ADRIEN GOUDIER

ARTISTE PEINTRE

Série « Blochstein Destiny »

Projet artistique de 5 tableaux articulé autour d’un texte d’Olivier Kadinsky

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« Blochstein Destiny »

« Simon Blochstein avait une passion pour la mort depuis son plus âge. Pour lui, elle était annonciatrice de moments de partage et d’union communautaire. Ces rassemblements lui permettaient de sortir pour quelques heures de l’apprentissage forcé des instruments que son père façonnait. Cette passion il aimait la partager avec lui, Aaron Blochstein, qui faisait pleurer son violon dans les rues de Prague les jours de deuils. Ils étaient déjà nombreux au printemps 1929 et la quête en fin de cortège supposait un cadeau potentiel à venir. Un livre probablement. Il en avait déjà collectionné une bonne trentaine quand sa mère Helena, romancière sans succès, décida de partir seule rejoindre son professeur de lettres, Simon Rubinstein, à Cracovie. Un abandon qui avait fait mourir une nouvelle fois cette famille que le silence avait déjà recouvert un an plus tôt, le jour de la naissance de cette petite sœur dont le coeur n’avait pas voulu battre plus que quelques heures. Simon avait alors 7 ans.
C’est donc instruit de quelques accords de mandoline qu’il accompagnerait dés lors son père tous les Vendredi soirs devant la grande synagogue. Prague est généreuse avec les artistes de rues.
Ils formaient un duo devenu vite populaire sur les pavés Bohémiens.
La correspondance abondante depuis la Pologne n’était jamais lue. Elle justifiait sans doute cette fuite assassine. Peut être qu’il n’y était pas dit pourquoi Helena avait voulu imposer au dernier moment le prénom de son fils. Ce n’était plus utile. Plus une énigme.
Déjà morts deux fois, Blochstein and Son attendaient mélodieusement le troisième acte que la rumeur leur avait prédit. Ils devraient bientôt s’en aller eux aussi. Pas par passion. Sous la pression.
Simon Blochstein est aussi long et fin que son père le jour de ses 13 ans. Le passage à l’âge adulte allait pouvoir se faire sans trop de perturbations. Il avait les yeux d’un bleu très clair qui ne laissaient rien paraître de ses émotions. Ses cheveux bruns et fins étaient plaqués à l’eau de Cologne. Chacun de ses déplacements, un peu désarticulés, laissaient une trace olfactive dans l’air brumeux de la Bohème du sud. Les mains de ce jeune multi instrumentiste étaient ce qu’il y avait de plus remarquable dans ce personnage grandi trop vite. Il avait les mains d’un vieil homme. Il se rongeait les ongles et le frottement des cordes de nylons abîmaient jusqu’au saignement les dernières phalanges. Ce qui devait le faire un peu souffrir quand même mais sans jamais grimacer.
Quand il fut largement temps de quitter la ville de Dvorak le choix de la destination fut imposé par Aaron sous le prétexte d’un lien familial solide avec un lointain cousin ayant réussi sa vie d’artiste à Varsovie. Il aurait bien besoin d’eux pour compléter le grand orchestre qu’il dirigeait. Mais les aléas d’une telle exode ne pouvaient pas les mener ailleurs que là où ils atterrirent.
À Cracovie.
Un hasard qui avait été soigneusement orchestré. Helena saurait elle lire, si elle était retrouvée, et surtout finir cette triste partition ?
Simon, lui, retrouverait vite ce sourire intérieur qu’il rêvait d’arborer à nouveau en touchant les barbelés derrière lesquels ils avaient été jetés à peine descendus du train son père et lui. Ici là mort était partout. Un paradis. C’est durant l’hiver 41 que Simon n’interrompit pas son interprétation très personnelle d’un adagio alors inconnu en voyant sa mère Helena entrer dans le camp, le visage à peine plus marqué que le jour de son départ de Prague. La même petite valise rouge sous le bras »

Olivier Kadinsky

Musique : « Undser Shtetl Brennt »

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